Mis à jour le 28 mar 2024 • 10 min de lecture
L'autisme, avec ses diverses manifestations, remet quotidiennement en question les limites de la pédagogie et de l'éducation. L'émergence de solutions robotiques ouvre de nouveaux horizons pour l'accompagnement éducatif des enfants atteints de troubles du spectre autistique. Ces solutions technologiques, qui sont un savant mélange d'innovation et de compassion, pourraient changer la donne.
Les spécialistes cherchent à transformer les interactions, à faciliter la communication, et à encourager la participation en s'appuyant sur des innovations technologiques telles que les robots pédagogiques. Voyons comment la robotique peut aider ces enfants à s'ouvrir vers l'extérieur. Nous vous proposons une analyse nuancée, à travers les yeux des personnes les plus touchées : les autistes.
Le terme « autisme » renvoie à un spectre de troubles neurodéveloppementaux caractérisé par :
Ces défis sont exacerbés par :
Une conséquence directe est que les approches éducatives traditionnelles doivent être révisées.
Les troubles du spectre autistique (TSA) englobent un large éventail de manifestations. Ces troubles, de légers à graves, ont un impact sur tous les aspects de l'apprentissage et de l'intégration sociale.
Cette hétérogénéité met en avant l'importance d'une intervention personnalisée et précoce. Cela signifie fournir une assistance axée sur une thérapie éducative sur mesure afin d'améliorer la qualité de vie des personnes autistes.
Bien qu'aucune solution dédiée n'ait encore vu le jour, l'émergence de solutions technologiques, notamment les robots humanoïdes et les robots sociaux, marque un tournant majeur. Ces outils, de par leur nature prévisible et leur capacité à rationaliser les interactions, laissent entrevoir de nouvelles perspectives pour le traitement des TSA et sont une nouvelle source d'optimisme pour les familles comme pour les spécialistes de l'autisme.
Dans le domaine de l'éducation, les enfants atteints de TSA sont reconnus comme ayant des besoins particuliers, ce qui justifie le recours à des stratégies pédagogiques adaptées. La robotique éducative, qui comprend l'apprentissage de la robotique (par le biais de tablettes et de téléphones) et l'apprentissage avec des robots (par le biais d'interactions physiques, de jeux et d'échanges verbaux), semble une voie prometteuse pour ces jeunes. Cette approche offre un environnement d'apprentissage plus attrayant et mieux adapté à leurs besoins particuliers.
Peut-on concevoir que les robots humanoïdes, en raison de leur comportement prévisible et de leur neutralité expressive, puissent réduire l'anxiété ? Pourraient-ils améliorer la réceptivité sensorielle chez les jeunes autistes ? Pourraient-ils être une présence rassurante, attrayante et agréable ?
Ces questions ont conduit les chercheurs et les spécialistes de l'autisme à envisager le recours à ces robots. Comme nous le verrons plus loin, nous avons pu constater une nette amélioration des compétences cognitives, mais aussi en matière de communication et de socialisation, suite à l'adaptation aux interactions avec des robots humanoïdes.
Thierry Le Buhé, enseignant spécialisé, travaille dans une clinique de jour et a mené une expérience dans le cadre de laquelle NAO a été utilisé pour faire participer les enfants à diverses activités (dictée, lecture, imitation, exercices d'équilibre). Il a constaté une amélioration significative de l'attention et de la participation des enfants, soulignant que NAO constituait un bon complément aux outils pédagogiques existants.
Pour obtenir les résultats les plus probants possibles, cette initiative a ensuite été menée à plus grande échelle. Pour ce faire, NAO a pris part aux activités de groupe et individuelles de plusieurs écoles maternelles. Les enseignants formés à l'utilisation de NAO ont utilisé le robot pour des activités telles que saluer, chanter des comptines, reconnaître des mots et effectuer des activités motrices.
À l'issue de cette deuxième phase, la conclusion est sans équivoque : NAO favorise la participation des jeunes atteints de TSA, facilitant ainsi leur éducation. Les données recueillies par le robot permettent également de formuler des observations clés qui aident à mieux comprendre les troubles neurodéveloppementaux, en particulier les processus d'apprentissage des enfants atteints de TSA. Les interactions avec NAO ont aidé ces enfants à se sociabiliser. Par la suite, ils ont réussi à utiliser ces nouvelles informations dans leurs échanges avec leurs pairs et leurs enseignants.
Cas no 1
Olivier Duris, psychologue clinicien, a mené une expérience dans une clinique de jour. Dans le cadre de ce programme, deux groupes de six enfants ont participé à 50 séances de narration, en groupe, avec et sans NAO.
Les résultats ont montré une amélioration de la compréhension et de la participation des enfants dans les groupes où NAO était présent. Nous pouvons conclure que la participation de NAO à ses activités thérapeutiques a eu un impact particulièrement positif.
Cas no 2
Une autre expérience en milieu clinique a également été menée. Elle est le fruit d'une collaboration entre le CHU de Nantes et une équipe d'ingénieurs dirigée par Sophie Sakka, chercheuse en robotique au Laboratoire des sciences du numérique de Nantes (LS2N).
Dans le cadre de cette expérience, NAO a été utilisé pour des activités de groupe, en préparation d'une activité théâtrale avec un ou plusieurs robots. Les robots ont joué un rôle actif dans différentes scènes. Les interactions entre les enfants et les robots étaient au cœur de l'expérience. L'équipe a observé des progrès notables chez chaque enfant et une amélioration de la dynamique de groupe lorsqu'ils étaient en présence de robots.
L'équipe HERO a été créée en Italie, à l'initiative de Giuseppe Palestra, ancien membre de l'ISIR (Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique), et de Berardina De Carolis, docteur en informatique. Cette start-up s'est donné pour mission de proposer une nouvelle approche éducative : l'utilisation des robots dans le traitement de l'autisme. Pour cela, l'équipe a développé une interface qui propose 18 exercices différents avec NAO, montrant ainsi la flexibilité du robot en tant qu'outil pédagogique et thérapeutique.
L'équipe a associé NAO à un téléphone portable affichant des pictogrammes représentant des émotions, ce qui lui a permis d'entamer des dialogues avec les enfants autistes et de mener des activités motrices et des jeux de rôle avec eux. L'objectif était de démontrer que la technologie peut favoriser le développement de compétences sociales et émotionnelles chez les jeunes atteints de TSA.
Les différentes expériences, études et initiatives mentionnées précédemment permettent de faire de nombreux constats. Chacune d'entre elles est encourageante et porteuse d'espoir, et renforce notre conviction que les solutions robotiques pour le traitement de l'autisme sont une source de progrès dans l'éducation des enfants autistes.
Les patients autistes développent des liens étroits avec le robot, qu'ils considèrent comme un ami qui les encourage à persévérer tout au long de la thérapie. Cette relation fait qu'ils participent mieux et qu'ils se sentent plus motivés. La plupart des parents ont également déclaré que leurs enfants imitaient les robots et répétaient plusieurs de leurs réponses à la maison, ce qui montre l'impact durable et transférable des interactions robotiques sur le comportement des enfants en dehors des séances de thérapie.
L'interaction avec les robots a eu pour effet d'améliorer remarquablement les niveaux d'attention sur le long terme. Les systèmes d'intervention robotique adaptatifs ont permis des progrès significatifs dans les compétences sociales et communicatives des jeunes autistes, démontrant l'efficacité de ces solutions technologiques pour améliorer les symptômes de l'autisme. Les méthodes objectives et quantitatives fournies par ces systèmes offrent aux thérapeutes des outils fiables pour évaluer les progrès des enfants.
Les études présentées précédemment font ressortir que l'utilisation correcte et supervisée de robots, dans le cadre de la thérapie de l'autisme, encourage les patients atteints de TSA à adopter des formes d'interaction sociale qu'ils étaient incapables d'adopter auparavant. En outre, l'interaction avec des robots semble générer beaucoup moins d'anxiété que les interactions humaines typiques. Cela s'explique par la capacité des robots à offrir une bonne pseudo-participation sociale, tout en simplifiant le contexte social. En effet, ces échanges enfant/robot réduisent la charge émotionnelle et cognitive excessive que les enfants autistes doivent généralement gérer.
L'efficacité des robots dans les interactions avec les enfants atteints de TSA repose sur plusieurs piliers fondamentaux :
Les jeunes atteints de TSA ont montré une affinité particulière pour les robots, ce qui les incite à participer plus volontiers à des interactions sociales avec eux. Cette propension dépasse généralement leur volonté d'interagir avec les humains ; les robots constituent donc une plateforme unique pour stimuler les interactions et la participation des enfants atteints de TSA.
Des études ont montré que l'interaction avec les robots a entraîné une augmentation de la conformité parmi les participants, ainsi qu'une amélioration significative de leur développement cognitif. Cela suggère que les robots ont joué un rôle central, et qu'ils favorisent les comportements souhaités chez les enfants atteints de TSA et les aident à s'épanouir.
Les interactions robotiques ciblent bien le mécanisme d'attention conjointe, qui est essentiel au développement social. Les enfants atteints de TSA qui interagissent avec des robots ont montré des taux d'attention conjointe comparables à ceux des enfants au développement normal. Ces progrès ont permis une meilleure socialisation et une meilleure intégration avec les autres.
Les robots ont aidé les enfants à généraliser les compétences sociales acquises dans d'autres contextes. Ces compétences, notamment le contact visuel et la verbalisation, sont particulièrement complexes à gérer pour la plupart des personnes autistes. Cette capacité à transférer les compétences acquises avec des robots à des situations impliquant des personnes indique que les robots présentent beaucoup d'intérêt pour leur développement social.
Les interventions des robots auprès d'enfants atteints de TSA ont facilité l'adoption de l'imitation d'actions et de la coordination interpersonnelle. Cette capacité à reproduire les gestes est essentielle au développement social et moteur.
Si l'on se base sur les nombreux programmes, expériences et scénarios réels mentionnés ici, la conclusion est claire : l'intervention des robots dans la thérapie de l'autisme est extrêmement bénéfique. En outre, il a été possible d'obtenir des informations qui aident à mieux connaître l'autisme.
Les patients peuvent se concentrer, apprendre, ou améliorer leurs compétences grâce aux diverses interactions avec les robots humanoïdes. Des changements notables dans le comportement des patients ont également été observés après seulement quelques semaines.
L'intégration de la robotique dans l'assistance thérapeutique et éducative des enfants atteints de troubles du spectre autistique représente une avancée significative. En effet, nous pouvons désormais développer des méthodes d'intervention plus inclusives, plus personnalisées et plus efficaces. Les robots, tels que NAO, ne sont pas simplement des outils technologiques avancés ; ils marquent le début d'une nouvelle ère pour la pédagogie adaptative, qui est capable de répondre aux besoins uniques et divers des enfants atteints de TSA.
Ces robots doivent leur efficacité à leur capacité à créer un environnement d'apprentissage prévisible et sûr où les jeunes peuvent explorer et développer des compétences sociales et communicatives, sans le stress généré par les interactions humaines traditionnelles.
Les interventions robotiques présentées ici offrent des perspectives prometteuses et pourraient aider à surmonter certains des obstacles les plus persistants dans le traitement et l'éducation des enfants atteints de TSA. Les robots offrent non seulement une plateforme pour une participation plus profonde et plus significative aux activités thérapeutiques, mais ouvrent également la porte à de nouvelles formes de communication et d'interaction sociale pour ces enfants.
Cependant, n'oublions pas que la robotique n'est pas une panacée. Elle est plutôt un complément aux interventions traditionnelles, et nécessite une intégration réfléchie et une personnalisation en fonction des besoins de chaque enfant. L'avenir de cette approche dépend donc d'une recherche continue, d'une conception centrée sur l'utilisateur et d'une collaboration étroite entre les technologues, les thérapeutes, les éducateurs et les familles.
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